SYNDROME DU NEZ VIDE

Mon frère s'appelait Sylvain

Je m’appelle Ludovic et je tenais à rédiger ce témoignage en mémoire de mon frère décédé le 11 Avril 2007, par solidarité envers ceux et celles qui souffrent du syndrome du nez vide et pour le compte de l’association "Syndrome du nez vide France" dont je fais partie. Je ne souffre pas personnellement de ce syndrome mais j’y ai été confronté indirectement.
Au mois de juillet 2005 j’avais discuté avec mon frère et lors de cette conversation il m’avait informé qu’il allait se faire opérer pour une cloison nasale déviée, en terme plus scientifique, il était question d’une déviation septale et donc d’une septoplastie.
Il se plaignait à l’époque d’obstruction nasale fréquente.
En décembre 2004 le résultat d’une radiographie des sinus fait apparaître : « discret épaississement muqueux dans la partie inférieure du sinus maxillaire gauche et dans la partie externe du sinus maxillaire droit. Comblement très partiel de cellules ethmoïdales.
Déviation de la cloison nasale à convexité gauche »
Suite à cela mon frère a consulté un spécialiste ORL
Après avoir relu tout le dossier médical de mon frère de nombreuses fois, je ne vois apparaître aucun traitement ou intervention visant à dégager les sinus.
L’ORL lui a donc proposé une septoplastie.
Mon frère a signé un consentement éclairé pour l’anesthésie et n’a reçu qu’une information pour une septoplastie SANS avoir été informé qu’une septoplastie serait associée à une turbinectomie, de ce fait il n’a pas été informé des risques ou complications liés à cette turbinectomie.
Je suis moi-même confronté de manière chronique à des obstructions nasales pendant certaines périodes de l’année, j’ai aussi une déviation septale suite à un accident et j’avais consulté un spécialiste ORL peu de temps avant la première intervention de mon frère.
Ce spécialiste m’avait informé qu’il existait une intervention chirurgicale dans le but de redresser cette déviation septale, la septoplastie, mais me l’avait déconseillé car pouvant être invalidante par la suite.
J’ai compris bien plus tard de quoi il voulait parler mais ne pouvais pas en dire davantage dans la mesure où le syndrome du nez vide n’est pas reconnu par la communauté scientifique en France et par la communauté des ORL de France alors qu’il est reconnu dans d’autres pays.
Cependant force est de constater qu’il existe bien des spécialistes ORL conscients du problème.
Donc le 8 Aout 2005 mon frère Sylvain a subi une septoplastie avec turbinectomie bilatérale complète des cornets inférieurs.
Dans le dossier médical préopératoire, à aucun moment n’apparait le terme de « turbinectomie ».
Ce terme apparait sur la fiche de bloc opératoire et semble avoir été ajouté après opération par une autre personne car écriture différente. Ont été ajoutés les mots suivants : « turbinectomie et ouverture concha bullosa x 2 ».
Ces notations ont bien été ajoutées pendant ou après opération.
Quelques mois plus tard dans l’année 2006 mon frère a commencé à souffrir de céphalées prononcées très fréquentes, des angoisses, de douleurs ORL importantes, de sinusites fréquentes, de troubles du sommeil, de fatigue, j’avais observé des changements dans son comportement, agressivité, anxiété, nervosité, dépression, le sentiment d’être agressé sans vraiment parler de paranoïa, il ne pouvait plus ou avait beaucoup de mal exercer ses activités professionnelles ou de loisirs comme le ski alpin ou le parapente car les changements d’altitude lui provoquaient des douleurs, le ski nautique (par peur que de grosses quantités d’eau ne pénètrent dans son nez lui provoquant de fortes douleurs aux sinus), il évitait les endroits poussiéreux ou trop secs, me demandait de ne pas faire de feu dans ma cheminée lorsqu’il venait me rendre visite et beaucoup d’autres choses encore.
Mon frère avait une bonne situation professionnelle, il gagnait très bien sa vie il aimait son métier, il avait deux enfants …
Commençant à se rendre compte que tous ses problèmes venaient de cette maudite opération et que ce qu’il endurait était pire qu’un nez bouché ou sinusite chronique, il a commencé à consulter d’autres spécialistes (deuxième mauvaise rencontre).
Ce médecin lui a proposé une reconstruction de la cavité nasale en prélevant les cornets moyens pour les greffer en lieu et place des cornets inférieurs.
Je tiens à préciser que dans toutes mes recherches dans la littérature scientifique sur le sujet je ne trouve pas de traces d’une telle opération ou d’écrits accessibles par les « non professionnels » de la santé sur le sujet, donc consentement éclairé nul puisqu’il n’existe aucun document reconnu sur le sujet.
Cette opération s’est très mal passée puisque mon frère à fait une hémorragie et rejet de la greffe.
Mon frère s’est retrouvé sans cornets inférieurs et moyens en décembre 2006. Je reste convaincu que mon frère a servi de cobaye.
Après cela, les complications se sont enchainées, sinus infectés en permanence, douleurs insupportables.
Les symptômes que j’ai cités avant la deuxième intervention se sont aggravés et d’autres sont venus s’ajouter : perte de libido, douleur dans les jambes, fatigue excessive, sommeil réduit 3 à 4h par jour a cause des terreurs nocturnes avec le sentiment d’étouffer, dépression importante, mon frère fuyait les endroits exigus, les salles de cinéma, sa tendance suicidaire était de plus en plus grande, il était obligé de placer des cotons humides dans ses narines pour limiter et humidifier l’air entrant.
Dans la dernière opération qu’il a subie dans le simple but de dégager les sinus au service des urgences d’un CHU où habitaient mes parents, apparait sur le rapport d’intervention la note : « séquelle chirurgicale invalidante » et non « syndrome du nez vide » qui apparaitrait aujourd’hui puisqu’on commence à prendre conscience de la réalité du syndrome.
Depuis cette opération effectuée par ce médecin, mon frère était sous traitement morphinique à grosse dose (prescrit par ce même médecin) et cela jusqu'à la date de son décès.
Le 22 Mars 2007 je reçois un appel de mon frère dans lequel il m’informait qu’il allait mettre fin à ses jours alors que je l’avais vu la veille.
Je suis allé directement à Annecy et me suis rendu à son domicile ou m’attendait ma belle-sœur. Au commissariat de police un lieutenant à procédé à une réquisition auprès des services de téléphonie pour essayer de localiser mon frère grâce à son téléphone portable qu’il n’avait heureusement pas éteint. Nous l’avons retrouvé avec l’aide de la police le lendemain, vivant, errant dans les rues d’Annecy…
Suite à cela et contre son grès, j’ai été obligé temporairement de le faire admettre en soin spécialisé par une HDT (hospitalisation d’un tiers contre son grès) pour son bien et pour nous laisser le temps à mes parents et moi de lui trouver des solutions et avoir l’esprit tranquille le temps de nos démarches.
Lorsque j’écris ces lignes je ressens une envie de pleurer et un sentiment de culpabilité mais même pour une personne très forte comme moi, cette décision a été difficile et je crois que c’est la décision la plus difficile que j’ai eue à prendre dans ma vie.
Au bout d’une semaine le centre de soin spécialisé l’a laissé sortir à la demande de mon père car mon frère avait des rendez-vous très importants médicaux et professionnels.
Le 4 Avril 2007 mon frère téléphone à mon père pour l’informer une nouvelle fois de ses intentions de suicide, ce soir-là il ne m’a pas appelé, se méfiant de ma proximité mais mon père a immédiatement téléphoné à la gendarmerie et les pompiers proches du lieu que mon père avait deviné pour commettre son acte.
L’intuition et le jugement de mon père étaient justifiés, en effet les pompiers ont retenu mon frère qui était prêt à se jeter dans le vide sur « le pont de la Caille » sur la route nationale reliant Annecy à Genève, ce pont enjambe un gouffre de près de 250 mètres.
Mais hélas, cette fois ci à l’hôpital, il n’y avait personne pour signer une HDT, ma belle-sœur étant absente ce soir-là, je n’étais pas au courant, mes parents habitants à Rouen, mon frère est ressorti le lendemain. Une HDT ne peut se faire par téléphone et doit être signée le jour de l’hospitalisation immédiate.
Mon frère mettra fin à ses jour le 11 avril 2007 au même endroit ou il avait été rattrapé
in extrémis lors de sa deuxième tentative, laissant derrière lui deux petits enfants en bas âge.
Pendant quelque temps j’étais en colère contre lui, mais avec le recul je pense que j’aurais sûrement fait la même chose, devant ces douleurs, l’irréversibilité de son état…
Dans ces derniers jours mon frère était complètement déconnecté de la réalité avec les doses importantes de comprimés morphiniques qu’il avalait pour la douleur (morphiniques puissants pour son cas)
J’étais très en colère contre ces « médecins », aujourd’hui je n’ai que du dégoût envers eux.
Il ne s’est pas suicidé, il a mis un terme à ses souffrances physiques, souffrances qui lui ont été injustement infligées…
Nous avons mon père et moi déposé un recours en CRCI, ces deux personnes ont été reconnues responsables des souffrances infligées, mon petit neveu et ma petite nièce ont reçu à titre posthume une somme dérisoire que je qualifie de honteuse au regard de la disparition de leur père
En fait c’est cette somme qu’aurait du toucher mon frère s’il avait entrepris cette démarche de son vivant, somme attribuée pour souffrance infligée et pour les « désagréments » causés ;
la CRCI ne voulant établir un lien de causalité entre ces deux massacres et la mort de mon frère.
Deux enquêtes on été commissionnées par la CRCI, et sur les deux commissions d’enquête auxquelles mon père et moi avons assisté, je me suis aperçu de plusieurs choses, c’est que visiblement le décès de mon frère n’avait pas l’air de toucher ou d’émouvoir ces deux individus et encore moins leurs confrères présents pour les assister lors de ces enquêtes.
Confrères bien sur commissionnés par leurs compagnies d’assurance.
Je ne sais même pas à quel point ils peuvent se rendre compte qu’à cause de leurs actes une personne à mis fin à ses jours.
Je me pose les questions suivantes : comment se regardent ils le matin dans leur miroir, ont- ils des problèmes de conscience ?
Pour les problèmes de conscience je pense qu’ils n’en n’ont pas puisqu’ils pratiquent toujours cette « excision » massacrante et invalidante.
Des problèmes de conscience ils n’en ont pas, car pour eux, ils n’ont pas forcé mon frère à sauter.
Comment un psychiatre, le « professeur » X qui avait été nommé par la CRCI peut- il juger une personne décédé sur dossier qu’il n’a jamais eu en consultation ?
Comment ne peut-il pas comprendre qu’une personne dormant 3h par jour sous traitement morphinique puissant, souffrant atrocement n’ait pas un jour ou l’autre envie d’en finir ?
Un enfant de 10 ans pourrait être en mesure de le comprendre.
Comment des « professeurs », « docteurs » sont-il incapables de relier le suicide de mon frère à son état (puisqu’ils savent très bien à quoi servent les cornets de par leurs années d’études), état causé par les interventions successives de ces deux individus ?
Il ne faudrait pas longtemps à une personne sensée avec un minimum de bagage intellectuel et très peu d’étude pour le comprendre.
Ce que je pourrais dire en conclusion, va se référer à un discours de Monsieur le Ministre Xavier Bertrand, Ministre du travail de l’emploi et de la santé, discours qu’il avait prononcé aux états généraux de la santé, je cite : « une personne ne doit pas ressortir d’un hôpital plus abimé qu’il ne l’était en entrant ».
En ce qui concerne mon frère cela à pourtant été le cas pour ces deux interventions.
Ce que je peux enfin dire, c’est que face à ce problème, beaucoup de chirurgiens ORL font bloc, c’est l’union sacrée, refusant d’admettre la réalité et refusent d’admettre leurs erreurs puisque cette opération date de plus de 100 ans et qu’aucune étude n’existe à ce jour pour en voir les dégâts, pourtant la réalité est là : le syndrome du nez vide touche encore des personnes qui sont en piteux états ou qui ne sont plus là pour en parler…
Ludovic

Association SNVF 05 novembre 2018 13:25

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